Lors du lancement du nouveau livre sur le commerce de l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP), intitulé Redesigning Canadian Trade Policies for New Global Realities, John Manley, président et chef de la direction du Conseil canadien des affaires, a commencé par demander aux personnes présentes si elles avaient déjà imaginé que le président des États-Unis qualifierait la plus importante entente commerciale du Canada de « pire entente jamais négociée dans l’histoire de l’humanité ».
Considéré par M. Manley comme un « ouvrage impressionnant, important et opportun dans le contexte du débat qui ne fait que commencer », ce nouveau livre est le fruit du travail de collaborateurs du secteur des politiques publiques, d’économistes du gouvernement et de sociétés d’État, dont Exportation et développement Canada, de professeurs d’université, de représentants d’associations professionnelles (comme M. Manley) et d’experts de l’IRPP.
M. Manley a souligné qu’un message émerge à la lecture du livre, soit la nécessité pour le Canada de diversifier son commerce.
« Notre proximité avec les États-Unis et la force gravitationnelle de leur grande économie font qu’il est très difficile pour notre petit pays de tailler sa propre place, a-t-il expliqué. Pourtant, il semble plus que jamais nécessaire de le faire. »
Il a également rappelé que la Chine n’était pas un acteur très important en 1988, au moment où l’accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis a été proposé, mais qu’« aujourd’hui, il est impossible de l’ignorer ».
M. Manley a également vivement recommandé aux grandes entreprises canadiennes d’aider les PME. « Les grandes entreprises du Canada ont connu le plus de succès, ont fait preuve du plus de volonté et de patience et ont investi les plus importantes sommes pour démarrer ces relations commerciales », a-t-il affirmé. Selon lui, nous devons déterminer comment aider les PME à « profiter du chemin tracé » par les grandes entreprises et à établir des chaînes d’approvisionnement.
Stephen Tapp, directeur de recherche et l’un des trois rédacteurs en chef du livre, était un peu moins mitigé quant à l’état du commerce, affirmant que « la politique commerciale du Canada est un peu nébuleuse » et qu’elle s’est d’autant plus complexifiée par les problèmes entourant le règlement de différends avec l’Europe et certains événements inattendus, comme le Brexit et l’élection de Donald Trump.
M. Tapp a présenté le contexte derrière le livre, auquel ont contribué 31 auteurs de 8 pays différents. Il a expliqué que les gens sont inquiets en raison des changements technologiques et des pertes d’emploi causées par l’automatisation. Par ailleurs, les personnes au sommet de la répartition des revenus du pays jouissent de la croissance puisqu’elles sont mieux placées pour tirer profit des gains de production. Les gens doutent aussi que les ententes économiques et commerciales soient avantageuses pour eux. Selon M. Tapp, Trump profite de ces inquiétudes aux États‑Unis, mais il ajoute que le programme commercial du Canada continue de promouvoir les échanges extérieurs et internationaux.
Après avoir dressé ce portrait, il a présenté la première recommandation du livre, soit l’établissement d’une politique commerciale nationale plus inclusive : une politique plus ouverte aux PME, plus accessible aux femmes entrepreneures et tournée vers les économies en développement et les marchés émergents.
« La priorité de politique commerciale, à l’heure actuelle, est de préserver la confiance des gens dans le système, a-t-il précisé. S’ils croient que ce système avantage seulement une poignée de personnes en haut de la chaîne, ils vont s’y opposer. Pour accroître la productivité, il faut être [plus inclusif]. »
Pour établir une politique commerciale inclusive, il faut repenser plusieurs éléments, notamment l’innovation, l’impôt et les taxes, l’infrastructure, la concurrence, la main-d’œuvre et l’éducation.
Ensuite, il a recommandé de simplifier la réaffectation des ressources. « Si nous voulons jouer dans la cour des grands, nous devons nous assurer que lorsque l’économie mondiale changera, nous serons en mesure de transférer les ressources là où elles sont nécessaires. »
Il a ensuite ajouté que le Canada doit favoriser les politiques qui estompent les frontières et qui permettent des échanges rapides et fiables avec d’autres partenaires, peu importe où ils se trouvent. Selon lui, nos exportations dépendent maintenant de nos importations, tandis que nos activités commerciales reposent, en grande partie, sur nos investissements directs étrangers. « Nous devons voir la situation comme un tout, a-t-il expliqué. La concurrence étrangère et le déplacement de la main-d’œuvre en inquiètent plus d’un. Pourtant, l’idéal n’est pas de les éviter, mais plutôt de tourner le système commercial en notre faveur. »
Pour terminer, il a recommandé d’établir un système commercial international davantage axé sur le respect des règles. À son avis, c’est ce qu’une moyenne puissance comme le Canada doit faire.
« Nous ne pouvons pas le faire seuls, a-t-il souligné. Nous devons collaborer avec des partenaires pour construire le système commercial international qui répond à nos besoins. Notre ouverture sur le monde, qui nous a bien servi pendant longtemps, est probablement plus importante que jamais. »