Comme partout sur la planète, les 54 pays africains peinent à gérer la pandémie de COVID-19 et ses contrecoups économiques.
L’Afrique, qui rapporte plus de 100 000 cas confirmés de coronavirus, n’est pas aussi durement touchée que d’autres régions du monde, où la pandémie a eu des conséquences dévastatrices, comme en témoigne le nombre élevé de cas et de décès. En effet, malgré ses 1,3 milliard d’habitants, l’Afrique n’a pas été frappée de plein fouet, ce qui peut s’expliquer par le jeune âge de sa population et sa récente expérience dans la gestion d’autres crises sanitaires. Cependant, vu le manque de capacité de dépistage et d’intervention en sol africain, il reste à voir si la crise sanitaire y prendra de l’ampleur pendant les prochains mois.
Malheureusement, l’horizon économique et financier s’assombrit. Les investissements massifs de la planète en réponse à la COVID-19 pourraient coûter cher au continent et mettre en péril de nombreux progrès économiques réalisés au cours des dix dernières années. On trouve en Afrique certaines des économies les plus vigoureuses du monde, propulsées par la croissance économique stable depuis des années. À l’échelle du continent, on constate un boom dans les infrastructures, l’économie numérique et les énergies renouvelables, de même qu’une augmentation de l’inclusion financière et des revenus. Or, à cause de la contraction mondiale, la région risque de perdre ces gains et est en voie de connaître sa première récession depuis 25 ans.
De l’Afrique du Nord au golfe de Guinée, jusqu’au cap Horn et au Cap-Occidental, l’ensemble du continent a trois talons d’Achille : les prix des produits de base, en particulier ceux du pétrole; la contraction marquée actuelle de la demande mondiale; et la hausse du niveau d’endettement qui menace la solvabilité des entreprises et des gouvernements africains.
En ce qui concerne les produits de base, la pandémie a provoqué l’affaissement de la production mondiale et, du même coup, la baisse des prix, la chute de la demande de pétrole et de la plupart des minerais se conjuguant à un marché déjà saturé. Si cet effet indirect de la COVID-19 a épargné les marchés africains qui ne dépendent pas des industries extractives, les forces vives du continent – Nigeria, Angola, Algérie et Égypte, entre autres – ont été happées et, presque du jour au lendemain, les entreprises exportatrices et les gouvernements y ont vu leurs prévisions de revenus dégringoler de plus de 10 %, ce qui pourrait s’avérer catastrophique. Certains de ces marchés étant quasi exclusivement tributaires d’un seul produit de base, comme le pétrole, leur économie pourrait être sérieusement perturbée, ce qui risque de se répercuter sur leur secteur bancaire, leur devise et leur marché de l’emploi.
Par ironie, l’un des plus grands succès de la dernière décennie en Afrique, soit la place qu’elle s’est taillée dans la chaîne d’approvisionnement mondiale, représente maintenant, en temps de pandémie, l’un de ses plus grands points faibles. Non seulement le ralentissement mondial a grandement nui aux exportateurs africains, mais les investisseurs et les touristes, qui voyaient le continent comme une terre de promesses, sont financièrement exsangues ou peu enclins à prendre des risques dans ce climat d’incertitude. Résultat : on observe un recul spectaculaire et historique de l’investissement, qu’il soit direct étranger ou de portefeuille, sur fond d’essoufflement général de la demande d’actifs et de biens africains.
Néanmoins, c’est un dur coup à encaisser pour de nombreuses industries dont le succès repose sur l’intégration de l’Afrique à l’économie mondiale, comme le tourisme, l’agriculture, les infrastructures et les services. Par conséquent, si les prévisions les plus pessimistes se concrétisent, jusqu’à 150 millions de personnes pourraient perdre leur emploi, et on verrait une nette régression des avancées des dernières années en matière de bien-être et de développement humain.
Le représentant en chef d’Exportation et développement Canada (EDC) au Moyen Orient et en Afrique, Jean-Bernard Ruggieri, espère que ce déclin ne sonnera pas le glas de la nouvelle zone de libre-échange continentale en Afrique. « Cette zone avait suscité l’intérêt des investisseurs dans de nouveaux secteurs, comme l’industrie automobile, de préciser M. Ruggieri. D’ailleurs, Toyota et Volkswagen comptent ouvrir des usines respectivement en Côte d’Ivoire et au Ghana. »
Si certains gouvernements souverains ont pu aider leur économie à se stabiliser pendant la pandémie de COVID-19, en Afrique, beaucoup d’entre eux ont peu de marge de manœuvre. Grevés par une lourde dette publique et des déficits budgétaires récurrents, ils n’ont pas les moyens d’ouvrir les cordons de leur bourse, comme le font certains pays développés, pour se sortir de la récession. Dans de nombreux cas, les instances africaines doivent se tourner vers des politiques fiscales ou monétaires pour limiter les dégâts, ce qui ne sera peut-être pas aussi efficace que des mesures de relance budgétaire pour favoriser une reprise solide et rapide. Pour tout dire, on s’inquiète sérieusement de la probabilité croissante que plusieurs gouvernements africains doivent, ou devront, demander à leurs créanciers internationaux un allègement de la dette pour éviter un défaut souverain.
« Pour les exportateurs et les investisseurs canadiens, les occasions se trouvent pour la plupart du côté du secteur public », indique M. Ruggieri. De fait, le secteur privé sur de nombreux marchés demeure en pleine évolution.
Malgré tout, il y a de l’espoir à moyen et à long terme. De nombreux pays peuvent compter sur des institutions solides et sont assez forts pour traverser une crise comme celle de la COVID 19. Pensons au Sénégal, à la Côte d’Ivoire et au Kenya, qui jouissent d’une économie diversifiée, ou encore au Ghana et à l’Éthiopie, qui éviteront la récession en raison de la solide croissance qu’ils ont enregistrée dans les dernières années.
De plus, quand la poussière retombera, le potentiel économique du continent pré COVID 19 demeurera. M. Ruggieri recommande aux entreprises canadiennes de regarder du côté des infrastructures (ports, aéroports, chemins de fer, traitement de l’eau, énergies renouvelables), puisque les gouvernements locaux veulent poursuivre leur expansion pour soutenir leur économie. Autre secteur digne d’intérêt : les technologies de l’information et des communications, dont la progression suivra la croissance de la population et, plus précisément, celle de la classe moyenne.
Les entreprises canadiennes doivent rester à l’affût des myriades de possibilités que présentent différents secteurs, comme les énergies renouvelables, l’Internet des objets, les ressources humaines et les ressources naturelles. Vous pouvez compter sur EDC, qui surveillera l’évolution des risques et les débouchés sur le continent africain au cours des mois et des années à venir. Pour prendre des décisions d’affaires éclairées, consultez l’Analyse trimestrielle des risques pays d’EDC.