Malgré les récents vents contraires dans ses relations avec son principal partenaire commercial, les États-Unis, et les obstacles qui compliquent ses discussions sur l’expansion des échanges avec la Chine, le Canada a conclu des ententes prometteuses, notamment les suivantes :
- l’Accord de libre-échange Canada-Corée;
- l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne;
- l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP).
Tous ces traités aideront le Canada à diversifier ses activités commerciales et à percer davantage les marchés internationaux. Mais une région déterminante n’est toujours pas couverte : l’Asie du Sud-Est. Le Canada et l’alliance de dix États connue sous le nom d’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) envisagent un accord de libre-échange depuis plusieurs années. Selon nous, le moment est on ne peut mieux choisi pour agir.
Rassemblant l’Indonésie, la Thaïlande, Singapour, la Malaisie, les Philippines, le Vietnam, le Myanmar, le Cambodge, Brunei et le Laos, l’ANASE représente une région dynamique aux nombreuses économies émergentes, ce qui en fait un partenaire commercial idéal pour le Canada. Si le pays signait un accord avec l’ANASE, il aurait accès à un marché de plus de 642 millions de consommateurs et à une économie combinée de 2,8 billions de dollars. Ces dernières années, l’ANASE a vu son PIB annuel croître en moyenne de 5,4 %, ce qui fait désormais d’elle la cinquième économie mondiale et la met en bonne voie de devenir la quatrième d’ici 2030, juste après les États-Unis, la Chine et l’Union européenne.
À titre de porte-parole du secteur privé canadien au sein de l’ANASE, le Conseil commercial Canada-ANASE (CCCA) fait la promotion de politiques qui assurent les meilleures relations commerciales possible entre les pays concernés. Parmi les régions que l’ANASE considère pour en faire son futur partenaire stratégique, le Canada arrive naturellement en tête. Et cette perception est réciproque.
Nous ne sommes pas les seuls à estimer que la période actuelle est particulièrement propice à une entente. Des recherches menées par la Fondation Asie-Pacifique du Canada au début de 2018 ont révélé que 63 % des Canadiens soutiennent un accord de libre-échange avec l’ANASE, contre seulement 40 % en 2014. L’éventualité d’un traité similaire avec la Chine n’a reçu l’approbation que de 59 % des répondants.
Le commerce entre le Canada et les dix membres de l’ANASE est déjà prometteur : en 2017, il représentait 23,2 milliards de dollars, une hausse par rapport à l’année précédente (21,6 milliards de dollars). Considérée dans son ensemble, l’ANASE est le sixième partenaire commercial du Canada, mais pourrait grimper dans le classement dans le cas d’un accord.
Selon The ASEAN Advantage, un rapport de 2017 que nous avons corédigé avec l’Institute of Asian Research de l’Université de la Colombie-Britannique, un accord de libre-échange ANASE-Canada pourrait donner lieu à 11 milliards de dollars d’échanges bilatéraux supplémentaires et faire augmenter le PIB du Canada de 1,2 milliard de dollars d’ici 2027. Cela profiterait à un grand nombre d’entreprises et à des millions de travailleurs, tout en renforçant la position du Canada sur le marché de l’Asie du Sud-Est. L’accord aurait comme principaux avantages d’éliminer les tarifs douaniers et d’assouplir les barrières non tarifaires appliquées aux biens, aux services et aux investissements.
Dans le même temps, une entente ANASE-Canada soutiendrait la diversification des exportations canadiennes, un objectif politique devenu prioritaire au cours des 18 derniers mois, le Canada ayant renégocié son accord avec les États-Unis.
Le CCCA défend depuis longtemps l’accord de libre-échange ANASE-Canada et constate que les gouvernements des deux parties l’envisagent de plus en plus sérieusement. Selon l’étude récente qu’ils ont menée conjointement sur la faisabilité d’un tel traité, une entente complète aurait d’importantes retombées commerciales et économiques pour tous les États membres de l’ANASE et le Canada, et favoriserait la consolidation de leurs liens économiques à long terme.
Répercussions positives attendues :
- Croissance du PIB de l’ANASE et du Canada pouvant atteindre respectivement 39,4 milliards de dollars américains (1,6 %) et 5,1 milliards de dollars américains (0,3 %).
- Hausse estimée des exportations de l’ANASE vers le Canada de 4,81 milliards de dollars américains (15,5 %), et des échanges en sens contraire de 2,67 milliards de dollars américains (13,3 %).
Ces données soutiennent la position du CCCA selon laquelle un accord de libre-échange complet – qui irait au-delà de la simple élimination des tarifs douaniers pour englober aussi la libéralisation des services et des investissements, une réduction des barrières non tarifaires et une hausse des mesures de facilitation du commerce – servirait au mieux les intérêts du Canada et de l’ANASE.
L’accord conclu entre l’ANASE, l’Australie et la Nouvelle-Zélande a entraîné une croissance notable entre 2010 (année où il est entré en vigueur pour 9 des 12 pays actuels) et 2016 :
- Les échanges bilatéraux entre l’ANASE et l’Australie sont passés de 76,5 milliards à 89,5 milliards de dollars sur cette période.
- Le commerce entre l’ANASE et la Nouvelle-Zélande est lui passé de 9,5 milliards à 13,1 milliards de dollars.
Chiffre encore plus impressionnant, les transactions entre l’Australie et l’ANASE ont bondi de 9 % entre 2016 et 2017 pour atteindre 100 milliards de dollars.
L’Australie et la Nouvelle-Zélande commencent à observer une hausse des gains dans l’exportation de produits de base, le tourisme et l’éducation. En outre, le commerce au sein de ce corridor à trois pôles pourrait dépasser les 230 milliards de dollars d’ici 2025.
Un sondage du CCCA et de l’Université de Colombie-Britannique mené au milieu de 2016 a permis de recueillir l’opinion de 175 chefs d’entreprise au Canada et en Asie du Sud-Est. Parmi ceux réalisant des activités dans différentes régions du monde, 90 % prédisaient un essor de l’Asie du Sud-Est au cours des cinq prochaines années, et les deux tiers déclaraient vouloir s’établir dans d’autres pays de l’ANASE.
Qu’est-ce qui éveille leur intérêt?
- La croissance rapide de la classe moyenne, parmi les quelque 642 millions d’habitants de la région.
- Les débouchés que devrait créer l’amélioration des infrastructures, une priorité des gouvernements locaux.
- Les efforts pour renforcer la coopération économique régionale, notamment au moyen du Partenariat économique régional global, qui regroupe les membres de l’ANASE et six autres pays : l’Australie, la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande. Il convient de souligner que parmi ces derniers, on trouve les deuxième et troisième économies mondiales.
Selon les répondants, un accord aurait les effets suivants :
- application plus uniforme des lois et des règlements;
- moins de favoritisme à l’égard des entreprises locales;
- assouplissement des barrières au commerce non tarifaires et réglementaires;
- diminution des obstacles à l’investissement étranger.
Quatre membres de l’ANASE font aussi partie du PTPGP, mais des recherches ont révélé que les pays non-signataires (Indonésie, Thaïlande, Philippines, Myanmar, Cambodge et Laos) profiteraient davantage que les premiers du développement des relations commerciales avec le Canada. Toutefois, les participants au PTPGP membres de l’ANASE tireraient tout de même profit d’un accord de libre-échange avec le Canada, qui ferait augmenter encore plus les revenus.
Dans notre rapport intitulé The Canada Advantage, nous voyons que l’accord de libre-échange ANASE-Canada emballe les gens d’affaires sondés plus que toute autre entente existante ou envisagée. Des représentants d’entreprises de taille variée ont également déclaré qu’un accord avec l’ANASE serait la meilleure stratégie de croissance des entrepreneurs canadiens. Voici les avantages relevés :
- uniformisation des stratégies marketing;
- consolidation du personnel;
- optimisation de la production régionale;
- fragmentation des chaînes d’approvisionnement pour tirer parti des avantages concurrentiels;
- relocalisation des activités internes.
Un accord ANASE-Canada viendrait également appuyer les traités actuels du Canada avec la Corée du Sud et des pays du PTPGP tels le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Si les pays de l’ANASE s’ajoutent à cet ensemble, les entreprises canadiennes auront un accès privilégié à l’Asie-Pacifique.
Les raisons ne manquent pas pour justifier la conclusion d’un accord entre les gouvernements du Canada et de l’ANASE. Nous avons déjà eu des discussions encourageantes avec le premier ministre Justin Trudeau et le ministre de la Diversification du commerce international, Jim Carr. Lors de notre rencontre à Singapour, en novembre 2018, l’importance du partenariat avec l’ANASE pour la diversification du commerce canadien et le désir des deux parties d’approfondir cette relation ont été réaffirmés. Cet échange nous a convaincus de la volonté du Canada de renforcer ses liens commerciaux avec l’ANASE, au-delà de ce qui a déjà été accompli dans le cadre du PTPGP. En tant que représentant des entreprises canadiennes en Asie du Sud-Est, le CCCA espère poursuivre le dialogue qui mènera à la conclusion d’un accord ANASE-Canada.